La France pourrait autoriser le mercenariat, interdit depuis 2003
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La France pourrait autoriser le mercenariat, interdit depuis 2003
La France pourrait autoriser le mercenariat, interdit depuis 2003
Sans le dire vraiment, mais sans le cacher tout à fait, le gouvernement se prépare à réintroduire le mercenariat dans le droit français. Interdite depuis 2003, l'attribution à des entreprises privées employant des hommes en armes de missions "régaliennes", donc réservées en principe à l'État et à ses armées, est un sujet brûlant. Si l'Élysée n'y est pas opposé sur le fond, les armées sont plus nuancées, mais des voix s'élèvent en leur sein pour favoriser cette évolution, qui assurerait des emplois fort rémunérateurs à des centaines, voire des milliers de militaires en fin de carrière. Un colloque interdit aux journalistes se tenais le 30 septembre 2011 à Paris pour que des dizaines de professionnels invités puissent parler entre eux de cette question, hors de tout regard extérieur.
Depuis des mois, sinon des années, la question des sociétés militaires privées (SMP) se pose en France. Nous avons souvent rendu compte dans les colonnes du Point de travaux menés par des partisans de l'évolution vers une privatisation partielle des forces armées, comparable à ce qu'elle est déjà aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Un groupe parallèle à la commission du Livre blanc de 2008, la black team, avait notamment travaillé sur le sujet. Le débat fait rage dans les milieux professionnels concernés. En 2007, quatre officiers stagiaires du Centre des hautes études militaires écrivaient déjà que "laisser ce créneau [des SMP] purement et simplement à d'autres pays serait un non-sens économique, les entreprises françaises n'ayant d'autre solution que de contracter avec des sociétés étrangères, ou d'être absentes du marché".
Un colloque qui a la bénédiction de l'Élysée
D'anciens militaires ont pris la tête d'une forme de mouvement, discret mais bien introduit au sommet de l'État, qui réclame avec insistance une légalisation de cette pratique en France. Le général Pierre de Saqui de Sannes, conseiller de la direction de l'armateur CMA-CGM, préconisait en décembre dernier que les navires naviguant dans les zones à risque puissent embarquer des gardes civils armés qui seraient fournis par "des sociétés de sécurité privées, labellisées par les autorités françaises, dont les compétences seraient vérifiées chaque année". Cette prise de position avait suscité une réaction extrêmement vive d'Anne-Sophie Avé, déléguée générale de la fédération professionnelle Armateurs de France, qui avait affirmé à cette occasion l'opposition des "armateurs français, de la Fédération européenne des armateurs et des fédérations internationales. Elles sont unanimes, avec les marins et les différents gouvernements, pour refuser de recourir aux services de mercenaires à bord de nos navires".
Les tenants de l'autorisation en France des sociétés militaires privées se heurtent à un obstacle de taille : la législation en vigueur, et notamment la loi du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de mercenaire. Ils souhaitent donc la changer. Selon nombre d'entre eux, que nous avons interrogés, aucune marque d'opposition à cette perspective n'a été ressentie ni à l'état-major des armées, ni à l'Élysée. C'est d'ailleurs avec la bénédiction de la présidence de la République que, dans le plus grand secret, un groupe de travail se réunit chaque semaine au SGDSN depuis plusieurs mois pour étudier cette question, toujours taboue. C'est donc afin d'en discuter dans un cercle plus large que le SGDSN a soutenu la mise sur pied de ce colloque le 30 septembre. Il sera "fermé", c'est-à-dire interdit à la presse, cette disposition saugrenue ayant été "imposée par les commanditaires", nous a indiqué son organisateur, la Fondation pour la recherche stratégique. Ce qui n'est pas tout à fait exact, puisqu'un journaliste de Ouest-France, Philippe Chapleau, est annoncé parmi les orateurs.
Mais sur cette question importante, les participants se retrouveront pour l'essentiel entre professionnels pour entendre un panel de praticiens ne comptant ni parlementaire, ni syndicaliste, ni politologue, ni surtout aucun homme ou femme politique de la majorité ou de l'opposition. Signe indiscutable que le sujet n'est pas mûr pour être discuté par l'opinion publique, la représentation nationale est clairement tenue à l'écart. Avant d'être mise devant le fait accompli ? Ça promet !
D'aucuns dénoncent des "marchands de peur"
Le titre même du colloque, "La France et les entreprises militaires et de sécurité privées", associe deux types de sociétés qui ont peu à voir entre elles. Les sociétés militaires privées (SMP), prises dans le sens anglo-saxon du terme, se voient attribuer contre rétribution des fonctions appartenant au strict domaine étatique dont le droit d'ouvrir le feu, voire de conduire des opérations militaires en territoire étranger. Elles sont grassement payées, recrutent des personnels militaires retraités ou en disponibilité, et sont massivement utilisées par le Pentagone en Irak, en Afghanistan ou dans la lutte contre le narcotrafic en Amérique du Sud. Les sociétés de sécurité assurent pour leur part - le plus souvent sans arme - la sécurité des personnels des entreprises expatriés. Elles sont légales en France et souhaitent pour certaines se reconvertir vers le statut de SMP. Nous avons récemment évoqué dans ces pages le rôle d'une entreprise de ce type, Épée, dans la protection des installations d'Areva, au Niger.
L'évolution qui se dessine déclenche un débat très vif, qui était jusqu'à présent resté feutré. L'un des intervenants annoncé au colloque, Bruno Delamotte, qui définit sa société Risk & Co comme fournisseur de "conseils en sûreté", et n'emploie donc pas de personnel armé, a décidé de porter le fer dans Le Monde contre les tenants des SMP qu'il qualifie de "marchands de peur" : "Ils tentent d'impressionner par un discours guerrier qui ne fait que confirmer, s'il en était encore besoin, à quel point ils peinent à s'extraire de l'institution militaire et à comprendre les attentes des entreprises. Ces donneurs de leçons passent sans doute sous silence les quelques libertés prises avec l'éthique, la neutralité de la fonction publique ou, tout simplement, l'efficacité."
Voici le programme du colloque dont le discours d'ouverture sera prononcé par Francis Delon, secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, et qui sera clos par Camille Grand. Au chapitre des intervenants, que du beau monde.
- Table ronde n° 1 : L'État et les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP)
général de division Michel Klein, auteur de l'étude : "Sociétés militaires privées : des fonctions opérationnelles peuvent-elles être 'externalisées' sur un théâtre d'opération ?"
Intervenants :
- Jean-Jacques Roche, de l'ISAD (Institut supérieur de l'Armement et de la Défense) : "La fin de l'exception française ?"
- Deux intervenants du ministère de la Défense : "Les EMSP : une ressource stratégique et opérationnelle pour l'État et les organisations internationales ?
- Général Jean Heinrich (président du directoire du groupe Geos) et Alexandre Hollander (Amarante International) : "Les EMSP françaises peuvent-elles répondre aux besoins de l'État ?"
- Table ronde n° 2 : Les EMSP et les opérateurs privés
- Modérateur : Camille Grand
Intervenants :
- Pierre Novaro (direction de la sécurité du groupe Total), Pierre de Saqui de Sannes (groupe CMA-CGM) et Pascal Daudin (unité de la sureté et de la sécurité de Care International) : "Les opérateurs économiques et les EMSP : un besoin croissant ? Les ONG et les EMSP : menace ou solution ?"
- Bruno Delamotte (président de Risk & Co), Richard Terzan (président de Anticip SAS), Xavier Genin (division de la sûreté et de la sécurité en mer de V. Navy): "Les EMSP françaises et les opérateurs économiques : une offre inadaptée ?"
- Table ronde n° 3 : Régulation et contrôle des EMSP
- Modérateur : Yves Boyer
Intervenants :
- Francis Perrin (vice-président d'Amnesty International France), Matthieu Clouvel (directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères et européennes) : "Quelle régulation internationale : hard law ou soft law ?"
- Florence Parodi : "Quelle régulation internationale : adapter ou innover ?"
- Préfet Jean-Louis Blanchou (sous réserve): "Quel contrôle national : vers un dispositif global ?"
- Table ronde n° 4 : Aspects économiques - Gilles Sacaze (président de Gallice Security), Philippe Chapleau : "Comment faire émerger une offre française concurrentielle ?"
- Stéphane Penet (Fédération française des sociétés d'assurance) : "Les sociétés d'assurance : vecteur ou frein au développement des EMSP ?"
- Direction des affaires financières du ministère de la Défense : "Externalisation de la sécurité : quelle rationalité économique pour l'État français ?'
Sans le dire vraiment, mais sans le cacher tout à fait, le gouvernement se prépare à réintroduire le mercenariat dans le droit français. Interdite depuis 2003, l'attribution à des entreprises privées employant des hommes en armes de missions "régaliennes", donc réservées en principe à l'État et à ses armées, est un sujet brûlant. Si l'Élysée n'y est pas opposé sur le fond, les armées sont plus nuancées, mais des voix s'élèvent en leur sein pour favoriser cette évolution, qui assurerait des emplois fort rémunérateurs à des centaines, voire des milliers de militaires en fin de carrière. Un colloque interdit aux journalistes se tenais le 30 septembre 2011 à Paris pour que des dizaines de professionnels invités puissent parler entre eux de cette question, hors de tout regard extérieur.
Depuis des mois, sinon des années, la question des sociétés militaires privées (SMP) se pose en France. Nous avons souvent rendu compte dans les colonnes du Point de travaux menés par des partisans de l'évolution vers une privatisation partielle des forces armées, comparable à ce qu'elle est déjà aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Un groupe parallèle à la commission du Livre blanc de 2008, la black team, avait notamment travaillé sur le sujet. Le débat fait rage dans les milieux professionnels concernés. En 2007, quatre officiers stagiaires du Centre des hautes études militaires écrivaient déjà que "laisser ce créneau [des SMP] purement et simplement à d'autres pays serait un non-sens économique, les entreprises françaises n'ayant d'autre solution que de contracter avec des sociétés étrangères, ou d'être absentes du marché".
Un colloque qui a la bénédiction de l'Élysée
D'anciens militaires ont pris la tête d'une forme de mouvement, discret mais bien introduit au sommet de l'État, qui réclame avec insistance une légalisation de cette pratique en France. Le général Pierre de Saqui de Sannes, conseiller de la direction de l'armateur CMA-CGM, préconisait en décembre dernier que les navires naviguant dans les zones à risque puissent embarquer des gardes civils armés qui seraient fournis par "des sociétés de sécurité privées, labellisées par les autorités françaises, dont les compétences seraient vérifiées chaque année". Cette prise de position avait suscité une réaction extrêmement vive d'Anne-Sophie Avé, déléguée générale de la fédération professionnelle Armateurs de France, qui avait affirmé à cette occasion l'opposition des "armateurs français, de la Fédération européenne des armateurs et des fédérations internationales. Elles sont unanimes, avec les marins et les différents gouvernements, pour refuser de recourir aux services de mercenaires à bord de nos navires".
Les tenants de l'autorisation en France des sociétés militaires privées se heurtent à un obstacle de taille : la législation en vigueur, et notamment la loi du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de mercenaire. Ils souhaitent donc la changer. Selon nombre d'entre eux, que nous avons interrogés, aucune marque d'opposition à cette perspective n'a été ressentie ni à l'état-major des armées, ni à l'Élysée. C'est d'ailleurs avec la bénédiction de la présidence de la République que, dans le plus grand secret, un groupe de travail se réunit chaque semaine au SGDSN depuis plusieurs mois pour étudier cette question, toujours taboue. C'est donc afin d'en discuter dans un cercle plus large que le SGDSN a soutenu la mise sur pied de ce colloque le 30 septembre. Il sera "fermé", c'est-à-dire interdit à la presse, cette disposition saugrenue ayant été "imposée par les commanditaires", nous a indiqué son organisateur, la Fondation pour la recherche stratégique. Ce qui n'est pas tout à fait exact, puisqu'un journaliste de Ouest-France, Philippe Chapleau, est annoncé parmi les orateurs.
Mais sur cette question importante, les participants se retrouveront pour l'essentiel entre professionnels pour entendre un panel de praticiens ne comptant ni parlementaire, ni syndicaliste, ni politologue, ni surtout aucun homme ou femme politique de la majorité ou de l'opposition. Signe indiscutable que le sujet n'est pas mûr pour être discuté par l'opinion publique, la représentation nationale est clairement tenue à l'écart. Avant d'être mise devant le fait accompli ? Ça promet !
D'aucuns dénoncent des "marchands de peur"
Le titre même du colloque, "La France et les entreprises militaires et de sécurité privées", associe deux types de sociétés qui ont peu à voir entre elles. Les sociétés militaires privées (SMP), prises dans le sens anglo-saxon du terme, se voient attribuer contre rétribution des fonctions appartenant au strict domaine étatique dont le droit d'ouvrir le feu, voire de conduire des opérations militaires en territoire étranger. Elles sont grassement payées, recrutent des personnels militaires retraités ou en disponibilité, et sont massivement utilisées par le Pentagone en Irak, en Afghanistan ou dans la lutte contre le narcotrafic en Amérique du Sud. Les sociétés de sécurité assurent pour leur part - le plus souvent sans arme - la sécurité des personnels des entreprises expatriés. Elles sont légales en France et souhaitent pour certaines se reconvertir vers le statut de SMP. Nous avons récemment évoqué dans ces pages le rôle d'une entreprise de ce type, Épée, dans la protection des installations d'Areva, au Niger.
L'évolution qui se dessine déclenche un débat très vif, qui était jusqu'à présent resté feutré. L'un des intervenants annoncé au colloque, Bruno Delamotte, qui définit sa société Risk & Co comme fournisseur de "conseils en sûreté", et n'emploie donc pas de personnel armé, a décidé de porter le fer dans Le Monde contre les tenants des SMP qu'il qualifie de "marchands de peur" : "Ils tentent d'impressionner par un discours guerrier qui ne fait que confirmer, s'il en était encore besoin, à quel point ils peinent à s'extraire de l'institution militaire et à comprendre les attentes des entreprises. Ces donneurs de leçons passent sans doute sous silence les quelques libertés prises avec l'éthique, la neutralité de la fonction publique ou, tout simplement, l'efficacité."
Voici le programme du colloque dont le discours d'ouverture sera prononcé par Francis Delon, secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, et qui sera clos par Camille Grand. Au chapitre des intervenants, que du beau monde.
- Table ronde n° 1 : L'État et les entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP)
général de division Michel Klein, auteur de l'étude : "Sociétés militaires privées : des fonctions opérationnelles peuvent-elles être 'externalisées' sur un théâtre d'opération ?"
Intervenants :
- Jean-Jacques Roche, de l'ISAD (Institut supérieur de l'Armement et de la Défense) : "La fin de l'exception française ?"
- Deux intervenants du ministère de la Défense : "Les EMSP : une ressource stratégique et opérationnelle pour l'État et les organisations internationales ?
- Général Jean Heinrich (président du directoire du groupe Geos) et Alexandre Hollander (Amarante International) : "Les EMSP françaises peuvent-elles répondre aux besoins de l'État ?"
- Table ronde n° 2 : Les EMSP et les opérateurs privés
- Modérateur : Camille Grand
Intervenants :
- Pierre Novaro (direction de la sécurité du groupe Total), Pierre de Saqui de Sannes (groupe CMA-CGM) et Pascal Daudin (unité de la sureté et de la sécurité de Care International) : "Les opérateurs économiques et les EMSP : un besoin croissant ? Les ONG et les EMSP : menace ou solution ?"
- Bruno Delamotte (président de Risk & Co), Richard Terzan (président de Anticip SAS), Xavier Genin (division de la sûreté et de la sécurité en mer de V. Navy): "Les EMSP françaises et les opérateurs économiques : une offre inadaptée ?"
- Table ronde n° 3 : Régulation et contrôle des EMSP
- Modérateur : Yves Boyer
Intervenants :
- Francis Perrin (vice-président d'Amnesty International France), Matthieu Clouvel (directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères et européennes) : "Quelle régulation internationale : hard law ou soft law ?"
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