Bill Young espion et contractor , mort le 1 avril 2011 dans le triangle d'or ,et un au secour des hmongs.
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Bill Young espion et contractor , mort le 1 avril 2011 dans le triangle d'or ,et un au secour des hmongs.
Bill Young est mort les armes à la main : on l'a retrouvé le 1er avril dans sa maison de Chiang Maï, au nord de la Thaïlande, un pistolet dans une main, un crucifix dans l'autre.
Bill Young, 76 ans, fut à sa manière une sorte de légende. Petit-fils de missionnaire baptiste américain, il devint un "barbouze" de la CIA peu avant le début du conflit vietnamien et fut l'un des premiers agents de la "guerre secrète" menée par les Américains au Laos. Le suicide de ce chrétien baptiste - sans doute voulait-il en finir avec ses crises d'étouffement provoquées par de l'emphysème - marque peut-être la fin d'une certaine époque de l'espionnage. Une époque où, en Asie, les espions étaient parfois aussi cultivés que des anthropologues, s'intégraient à la vie d'ethnies vivant dans les jungles de collines lointaines, parlaient leurs dialectes, épousaient leurs coutumes - parfois leurs femmes.
William "Bill" Young était de cette race-là. Le grand-père, qui se prénommait aussi William, avait inauguré au début du XXe siècle la première église baptiste du pays shan, au nord-est de la Birmanie. Si les Birmans bouddhistes ignorèrent le prosélytisme de l'Américain, ce ne fut pas le cas de certaines tribus "minoritaires" : les Lahu et autres Wa, dont un récit mythique prédisait qu'un jour un "Dieu blanc" débarquerait un "livre en main", virent en Young senior, homme blanc muni d'une bible, le messie qu'ils attendaient.
L'implication de la famille Young dans la vie de telles ethnies allait faire d'elle une proie de choix pour les recruteurs de l'Office of Strategic Services (OSS), précurseur de la CIA. Après la fin de la seconde guerre mondiale, Harold Young, fils de grand-père William, forma des unités paramilitaires chez les Lahu et aussi parmi les coupeurs de têtes Wa sur ces confins de la Chine dont l'importance stratégique fut renouvelée par la victoire de Mao.
Vers le milieu des années 1950, suivant les traces de son père, William petit-fils est "embauché" par la CIA. Sa connaissance de la région, de la langue wa, du shan, du thaï, ses notions d'hindi et de chinois, sont précieuses pour l'agence de renseignement américaine. Mais ce sont les opérations d'une guerre non avouée menée par les Américains au Laos à partir du début des années 1960 qui ont forgé la légende du jeune Young.
Petit rappel historique : en 1962, les Etats-Unis signent avec la République démocratique du Nord-Vietnam les accords de Genève, garantissant la neutralité du Laos. Aux termes de ces accords, les soldats communistes vietnamiens encore présents au Laos ainsi que les conseillers militaires américains stationnés sur place doivent se retirer de l'ancien "Royaume au million d'éléphants". Ces promesses ne seront honorées par aucune des forces en présence : ni par les Vietnamiens, qui soutiennent les communistes laotiens du "Pathet Lao", ni par les Américains qui, un peu plus tard, décident d'utiliser le territoire laotien pour enrayer l'avance communiste au Vietnam : la fameuse "piste Ho Chi Minh" longe la frontière séparant le Laos du Vietnam.
Les Américains vont s'appuyer sur les tribus de l'ethnie hmong pour faire pièce à l'avancée des communistes vietnamiens. Il leur faut donc trouver des bases au Laos. C'est à ce moment que William Young entre en scène. Il va d'abord former une armée de combattants Shan et Lahu. But : harceler le passage des soldats nord-vietnamiens sur cette piste Ho Chi Minh qui servait de cordon ombilical au régime d'Hanoï pour ravitailler les guérilleros du Vietcong en lutte contre les régimes proaméricains du Sud-Vietnam.
Puis Young se fait parachuter au centre du Laos. Ainsi que le raconte Jim Andrews sur "Mizzima", le site d'opposants birmans basé à New Delhi, sa mission est de repérer un lieu susceptible d'être converti en base aérienne clandestine. Il va le trouver : la base de Long Tien, nichée quelque part dans une vallée laotienne, va servir durant des années aux pilotes trompe-la-mort des avions d'Air America, la "compagnie" aérienne de la CIA, pour repérer les mouvements de l'ennemi, guider les tirs des bombardiers, "marquer" l'emplacement des unités nord-vietnamiennes. La base, ignorée du monde extérieur et seulement connue sous le nom de code "Lima Site 20A", deviendra l'aéroport le plus fréquenté de la planète, avec parfois une moyenne de 400 "sorties" quotidiennes. Long Tien fut aussi, rappela un jour William Young, une drôle de ville, "avec ses bordels, ses fast-foods, ses bars et ses casinos, tout ce dont un soldat avait besoin"... Grâce à cette base et à l'appui des irréguliers hmong, les Etats-Unis purent pilonner à loisir, et dans l'impunité la plus totale, l'infortuné Laos.
Mais, écoeuré par la politique américaine en Asie du Sud-Est, William quitta l'agence de renseignement à la fin des années 1960. Les Etats-Unis, eux, ne devaient jamais vraiment reconnaître l'existence de la guerre secrète, ni jamais participer à la reconstruction d'un pays qu'ils laissèrent exsangue et détruit. Bill Young, lui, retourna dans sa vraie famille, celle des tribus du Nord thaïlandais. Le 5 avril, jour de ses funérailles, la petite église protestante de Chiang Maï était pleine à craquer : tous, anciens espions et missionnaires, chefs de tribu et membres d'une mystérieuse association des "guerriers inconnus de l'unité 333" rendirent un hommage appuyé à l'ancien barbouze missionnaire, antihéros d'un monde qui n'existe plus
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Bill Young, 76 ans, fut à sa manière une sorte de légende. Petit-fils de missionnaire baptiste américain, il devint un "barbouze" de la CIA peu avant le début du conflit vietnamien et fut l'un des premiers agents de la "guerre secrète" menée par les Américains au Laos. Le suicide de ce chrétien baptiste - sans doute voulait-il en finir avec ses crises d'étouffement provoquées par de l'emphysème - marque peut-être la fin d'une certaine époque de l'espionnage. Une époque où, en Asie, les espions étaient parfois aussi cultivés que des anthropologues, s'intégraient à la vie d'ethnies vivant dans les jungles de collines lointaines, parlaient leurs dialectes, épousaient leurs coutumes - parfois leurs femmes.
William "Bill" Young était de cette race-là. Le grand-père, qui se prénommait aussi William, avait inauguré au début du XXe siècle la première église baptiste du pays shan, au nord-est de la Birmanie. Si les Birmans bouddhistes ignorèrent le prosélytisme de l'Américain, ce ne fut pas le cas de certaines tribus "minoritaires" : les Lahu et autres Wa, dont un récit mythique prédisait qu'un jour un "Dieu blanc" débarquerait un "livre en main", virent en Young senior, homme blanc muni d'une bible, le messie qu'ils attendaient.
L'implication de la famille Young dans la vie de telles ethnies allait faire d'elle une proie de choix pour les recruteurs de l'Office of Strategic Services (OSS), précurseur de la CIA. Après la fin de la seconde guerre mondiale, Harold Young, fils de grand-père William, forma des unités paramilitaires chez les Lahu et aussi parmi les coupeurs de têtes Wa sur ces confins de la Chine dont l'importance stratégique fut renouvelée par la victoire de Mao.
Vers le milieu des années 1950, suivant les traces de son père, William petit-fils est "embauché" par la CIA. Sa connaissance de la région, de la langue wa, du shan, du thaï, ses notions d'hindi et de chinois, sont précieuses pour l'agence de renseignement américaine. Mais ce sont les opérations d'une guerre non avouée menée par les Américains au Laos à partir du début des années 1960 qui ont forgé la légende du jeune Young.
Petit rappel historique : en 1962, les Etats-Unis signent avec la République démocratique du Nord-Vietnam les accords de Genève, garantissant la neutralité du Laos. Aux termes de ces accords, les soldats communistes vietnamiens encore présents au Laos ainsi que les conseillers militaires américains stationnés sur place doivent se retirer de l'ancien "Royaume au million d'éléphants". Ces promesses ne seront honorées par aucune des forces en présence : ni par les Vietnamiens, qui soutiennent les communistes laotiens du "Pathet Lao", ni par les Américains qui, un peu plus tard, décident d'utiliser le territoire laotien pour enrayer l'avance communiste au Vietnam : la fameuse "piste Ho Chi Minh" longe la frontière séparant le Laos du Vietnam.
Les Américains vont s'appuyer sur les tribus de l'ethnie hmong pour faire pièce à l'avancée des communistes vietnamiens. Il leur faut donc trouver des bases au Laos. C'est à ce moment que William Young entre en scène. Il va d'abord former une armée de combattants Shan et Lahu. But : harceler le passage des soldats nord-vietnamiens sur cette piste Ho Chi Minh qui servait de cordon ombilical au régime d'Hanoï pour ravitailler les guérilleros du Vietcong en lutte contre les régimes proaméricains du Sud-Vietnam.
Puis Young se fait parachuter au centre du Laos. Ainsi que le raconte Jim Andrews sur "Mizzima", le site d'opposants birmans basé à New Delhi, sa mission est de repérer un lieu susceptible d'être converti en base aérienne clandestine. Il va le trouver : la base de Long Tien, nichée quelque part dans une vallée laotienne, va servir durant des années aux pilotes trompe-la-mort des avions d'Air America, la "compagnie" aérienne de la CIA, pour repérer les mouvements de l'ennemi, guider les tirs des bombardiers, "marquer" l'emplacement des unités nord-vietnamiennes. La base, ignorée du monde extérieur et seulement connue sous le nom de code "Lima Site 20A", deviendra l'aéroport le plus fréquenté de la planète, avec parfois une moyenne de 400 "sorties" quotidiennes. Long Tien fut aussi, rappela un jour William Young, une drôle de ville, "avec ses bordels, ses fast-foods, ses bars et ses casinos, tout ce dont un soldat avait besoin"... Grâce à cette base et à l'appui des irréguliers hmong, les Etats-Unis purent pilonner à loisir, et dans l'impunité la plus totale, l'infortuné Laos.
Mais, écoeuré par la politique américaine en Asie du Sud-Est, William quitta l'agence de renseignement à la fin des années 1960. Les Etats-Unis, eux, ne devaient jamais vraiment reconnaître l'existence de la guerre secrète, ni jamais participer à la reconstruction d'un pays qu'ils laissèrent exsangue et détruit. Bill Young, lui, retourna dans sa vraie famille, celle des tribus du Nord thaïlandais. Le 5 avril, jour de ses funérailles, la petite église protestante de Chiang Maï était pleine à craquer : tous, anciens espions et missionnaires, chefs de tribu et membres d'une mystérieuse association des "guerriers inconnus de l'unité 333" rendirent un hommage appuyé à l'ancien barbouze missionnaire, antihéros d'un monde qui n'existe plus
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