L'histoire secrète des mercenaires de Madagascar

LES DOUZE mercenaires qui ont décollé mardi du Bourget à bord d'un Falcon 900 à destination de Madagascar n'auront même pas mis un pied sur l'île. Grâce à la collaboration de la DST, la DGSE et la direction des renseignements militaires, ils ont été stoppés à Dar es-Salaam, en Tanzanie, et ont été rapatriés jeudi en France. « Heureusement pour eux, ils se seraient immédiatement fait lyncher », insiste une source proche du dossier. La tentative de coup d'Etat a donc tourné au fiasco. Pourtant, ces « chiens de guerre », dont font partie Nicolas Loire, Jacques Guillet, Gabriel Petitgirard, Michel Lamour, Cyril Avines, Hervé Pannetier, Gérard Fourneret, Philippe Six, Alain Travers, Guillaume Farfaro et Marc Garibaldi, sont des professionnels aguerris aux « missions de terrain ». Ayant servi en Bosnie, ou aux Comores avec Bob Denard pour au moins l'un d'entre eux, ces anciens agents du contre-espionnage français, de la légion étrangère ou de l'armée sont aujourd'hui libres, a priori, à l'abri de poursuite pénale et un peu plus riches. Ils auraient en effet été payés d'avance pour ce qu'ils considèrent comme une « mission de sécurité ». « Je n'ai plus de nouvelle de mon mari depuis une dizaine de jours, nous a confirmé la femme de l'un de ces mercenaires, mais c'est quelqu'un de très bien à qui il ne faut pas prêter les plus mauvaises intentions de la terre. »

Un « ami de la famille »

Les enquêteurs des services spécialisés tentent néanmoins de remonter jusqu'au commanditaire de l'opération. La piste du président sortant de Madagascar, Didier Ratsiraka, est privilégiée. En quittant l'île le 13 juin pour Paris, celui-ci confie vouloir « travailler à l'étranger à la recherche d'une solution à la crise malgache ». Selon nos informations, il reprend en fait contact avec un « ami de la famille ». Celui-ci, Luc Marques de Oliveira, a créé dans les années 90 un service de renseignements pour Ratsiraka, alors au pouvoir, afin de surveiller les mouvements d'opposition. Cet ancien adjudant-chef de la DGSE, radié lors d'une mission au Tchad après s'être servi de sa couverture pour monter un commerce, dirige aujourd'hui Actif protection intervention services (APIS). Cette société, basée à Courbevoie (Hauts-de-Seine), propose du gardiennage et assure la protection rapprochée des princes arabes. « C'est quelqu'un d'avenant, de chaleureux, de particulièrement opérationnel et doté d'un excellent sens de l'investigation, témoigne un proche. C'est avant tout un businessman. Il est prêt à beaucoup de choses pour de l'argent. » Oliveira, 45 ans, charge ensuite Marc Garibaldi, un Français né en Côte d'Ivoire, de recruter le commando. Il le fait dans les milieux les plus durs de l'extrême droite. Depuis sa sortie de l'armée, Garibaldi, un homme « sombre » mais « très intelligent », a multiplié les missions en Afrique et tissé là-bas un solide réseau. Il a travaillé dans la sécurité des puits de pétrole dans le sud de l'Algérie, a été enrôlé par l'entourage du président sénégalais Wade pour mater la rébellion en Casamance En 1999 surtout, il a commandé, épaulé par une trentaine d'autres militaires français, l'opération Ades au Congo pour encadrer les soldats du général Sassou Nguesso et lui assurer le pouvoir. Peu après, Marc Garibaldi, 35 ans, est repéré, et « balancé » par une équipe concurrente, à Abidjan en Côte d'Ivoire. Sous les ordres de Janou Lacaze, ancien chef d'état-major des armées françaises, il y aidait le général Robert Gueï au « contrôle de la situation intérieure ».

« Obligatoirement des mouvements de fonds »

Reste encore quelques mystères sur le voyage écourté des douze hommes. Marques et Garibaldi ne se connaissent que depuis quelques mois. Comment et par qui ont-ils fait connaissance ? « Quand on parle de mercenaires, il y a aussi obligatoirement des mouvements de fonds derrière, c'est un axe d'investigations », ajoute une source proche de l'enquête. Didier Ratsiraka ne voulait pas lâcher le morceau. Cet énorme raté, c'est sûr, ne lui rendra pas service.